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La Turquie célébrée à …

La Turquie célébrée à Rivière-du-Loup…
Ou comment renouer avec ses origines?

 

RIVIERE-DU-LOUP – Posséder un nom et un prénom turc peut parfois être lourd à porter quand on ne parle pas le turc et que la courroie de transmission de cette culture est disparue tragiquement il y a près de 20 ans. Ma mère est québécoise et j’ai grandi au Québec; la culture française et nord-américaine n’a donc plus de secrets pour moi.

 

Manolya Tükeli
Manolya Tükeli

Or, le décès de mon père turc a laissé un vide incommensurable et fait place à un questionnement quotidien perplexe: comment raviver mon héritage turc alors que je ne parle pas la langue et que mon père n’est plus là pour m’enseigner tous les mystères de son pays?

Mariée à un québécois et établie aujourd’hui dans une petite ville de 20 000 habitants localisée dans la région du Bas-Saint-Laurent, ce défi m’apparaît gigantesque! Mais lorsque j’ai appris à l’automne 2006 que le comité de la fête du Canada de Rivière-du-Loup organise chaque année une journée de festivités dont le principal volet s’articule autour de la reconnaissance d’une communauté culturelle, l’idée de pouvoir enfin retrouver un peu de ma culture paternelle m’est apparue tout à fait réalisable.

C’est donc en octobre 2006 que j’ai commencé à m’impliquer sur le comité de la fête du Canada et d’emblée la proposition de la Turquie a conquis le cœur des autres membres du comité. Les prochains mois se sont avérés formidables puisque j’ai appris à connaître plusieurs Turcs qui allaient nous prêter main forte et prendre part à la fête du 1er juillet 2007 afin de célébrer la Turquie dans toute sa splendeur.

Une fille avec de costume folklorique Barak.
Une fille avec de costume folklorique Barak.

C’est finalement le 30 juin en après-midi que nous avons accueilli quelques voitures et un autobus scolaire bondé de turcs qui arrivaient tous de Montréal. Le trajet fut long et pénible pour certains, mais une fois les valises transférées dans les dortoirs de l’Auberge internationale, le cœur semblait déjà être à la fête. La plupart des participants avaient entre 11 et 18 ans, tous plus enjoués et aimables les uns que les autres. Ils fallaient les voir déambuler la rue Lafontaine, armés d’une curiosité et d’une énergie que ni la fatigue ni le dépaysement n’ont su altérer. Après un copieux repas au restaurant Amsterdam où tous les membres et accompagnateurs étaient conviés, les jeunes danseurs et leur chorégraphe ont repris le chemin de la Maison de la Culture afin de répéter une dernière fois quelques numéros de danse. Déjà à cet instant, nous pouvions constater à quel point ces jeunes Turcs possédaient une discipline et une maturité rarement décelées chez les adolescents.

 

Le groupe musical "Djoumbush"
Le groupe musical « Djoumbush »

À 21h00, tous se sont retrouvés dans la salle à dîner de l’Auberge avec quatre musiciens qui désiraient eux aussi « réchauffer » leurs instruments pour l’événement. C’est ainsi que le groupe musical « Djoumbush » a envoûté les lieux en poussant ses airs traditionnels turcs, lesquels ont incité instinctivement la foule à s’animer autour et sur les tables en exécutant des pas de danse à la fois rythmés et suaves. Une soirée magique!

Et comme par enchantement le jour J est arrivé. Les activités ont débuté vers 12h30 sous un chapiteau avec la dégustation de mets turcs provenant du restaurant Su. Au menu: patlican et biberli ezme, köfte, börek et kemalpacha, le tout pour 150 personnes. Inutile de préciser que le buffet gastronomique turc s’est rapidement envolé vers d’autres cieux digestifs! Par ailleurs, un kiosque pour enfants permettant de fabriquer leur propre « nazar boncuk » prenait place près du buffet culinaire.

 

 

La danse folklorique de la région de Van.
La danse folklorique de la région de Van.
Mme Anne Laporte
Mme Anne Laporte

 

À 13h30, la présidente du comité de la fête du Canada, Mme Anne Laporte, s’est présentée sur la scène du théâtre extérieur de la Goélette afin d’animer les festivités. Celles-ci ont débuté par un bref mais savoureux discours de M. Aydin Yurtçu, un des doyens de la communauté turque de Montréal qui s’est impliqué dans la fondation de l’Association culturelle et amicale Turquébec. Ses paroles, empreintes de sagesse et d’ouverture, ont réussi à mouiller mes yeux… Vint ensuite un premier numéro de danse traditionnelle turque de la troupe de l’association. C’est sous une fine pluie que le spectacle allait commencé. Fort heureusement, celle-ci a cessé après une quinzaine de minutes et c’est sous un ciel variable que le spectacle s’est déroulé. Les premiers numéros de danse, plus lancinants, se sont succédés pendant vingt minutes pour ensuite faire place à près d’une heure de musique avec le groupe Djoumbush. Le chorégraphe, Süleyman Özatilan, également musicien et chanteur, s’est joint au groupe et a interprété avec brio quelques airs rythmés, invitant la foule à taper des mains. La jeune troupe de danse est revenue sur la scène afin d’exécuter plusieurs autres chorégraphies, plus rythmées cette fois-ci, suscitant l’admiration du public qui a chaudement applaudi et ovationné les artistes à la fin du spectacle.

Les danses folkloriques d'Üsküp
Les danses folkloriques d’Üsküp

Par après, le public a été invité à se diriger à la Maison de la Culture où deux expositions à saveur turque prenaient place. Il s’agissait d’abord d’une série de photographies de Carolyne S. Weldon intitulée « Perspectives turques »; de même qu’une exposition de toiles de l’artiste Pelin Yazar-Cañez, laquelle était sur place pour commenter ses œuvres et sa démarche artistique. Fait important: ces expositions tiendront l’affiche tout l’été à la Maison de la Culture de Rivière-du-Loup.

Culinaire turque, au menu: patlican et biberli ezme, köfte, börek et kemalpacha...
Culinaire turque, au menu: patlican et biberli ezme, köfte, börek et kemalpacha…

Mentionnons qu’il y avait également un kiosque de brochures touristiques, gracieuseté du consulat turc de Montréal, de même qu’un kiosque de bijoux et d’accessoires turcs, dont les profits de vente sont retournés à une association bénévole qui a pour mission de supporter les enfants pauvres en Turquie.

L'exposition de la peinture.
L’exposition de la peinture.

C’était finalement mission accomplie pour le comité de la fête du Canada. Environ 250 personnes de tout âge ont découvert avec enchantement l’univers artistique et culinaire de la Turquie. Égoïstement, j’ai savouré moi aussi le plaisir de me retrouver au cœur de cette fête, entouré de tous ces turcs immigrants qui, comme mon père, ont fièrement partagé leur patrimoine du Moyen-Orient. En ressassant mes souvenirs d’enfance, j’ai reconnu la Turquie par le sourire franc d’un tel, la généreuse poignée de main d’un autre, l’accolade chaleureuse, le teint basané, les cheveux noirs, la moustache, et même la façon dont les Turcs argumentent entre eux; tout cela m’était familier et combien réconfortant. J’aime la Turquie et je suis fière de cet héritage légué par mon père. Il est incomplet certes, mais ne demande qu’à être exploré davantage.

Ça y est, c’est décidé, je m’inscris à des cours de langue turque l’été prochain.

 

Photos par Yvan Roy
Manolya Tükeli / Notre Anatolie / Août 2007

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