Échos d’Istanbul
Un documentaire pour voir les réalités de la modernisation imposée au delà du décor d’une ville extraordinaire, Istanbul.
«Depuis longtemps je boycottais voir les documentaires sur Istanbul; ils ont l’air de films de publicité qui ne reflètent aucunement la profondeur ni les réalités, mais le décor d’une ville. Pourtant, je vais sûrement aller voir «Échos d’Istanbul» qui a capté l’âme de ma ville natale. Merci Giulia Frati!» Duygu Ozmekik
Lieu: Le cinéma moderne, 5150, boul. St-Laurent entre Laurier et Fairmount, Montréal
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Projections:
Séances avec sous-titres français : 25 mars 2019, 21h00
Séances avec sous-titres anglais : 24 mars, 17h15, et 1er avril 2019, 21h00
Synopsis
Ils vendent de tout. Des tissus, de la nourriture, des rideaux… Tous le font dans la rue, à Istanbul. Depuis plus de cinquante ans, pour certains d’entre eux. Mais leur mode de vie doit changer. Comme leur ville qui s’embourgeoise rapidement et que les autorités veulent «moderne et propre». En cinq ans, les quartiers populaires y ont été détruits et les populations évincées. Pour ces vendeurs de rue, ce n’est pas que leur métier qui est en jeu, mais aussi toute une culture et ses traditions. Une préoccupation qui va aussi gagner la jeunesse du pays, en particulier un groupe hip-hop engagé. Rythmant son film par les bruits de la ville habilement mis en valeur, Giulia Frati a suivi l’évolution de la situation sur près d’une décennie.
Une petite entrevue avec la réalisatrice du documentaire; Giulia Frati
Je suis Istanbuliote. Je suis née a Istanbul, j’ai grandi au centre ville d’Istanbul, j’ai vécu 30 ans de ma vie dans les plus beaux quartiers d’Istanbul. Je suis une de ces personnes chanceuses au monde qui a fait l’expérience de vivre dans une telle ville exceptionnelle. Pourtant, j’ai aussi connu la destruction de la vie du quartier dans ma ville natale.
Giulia Frati est d’origine Italienne. Elle a aussi connu la destruction de la vie du quartier de son village en Italie au nom de la modernisation. 20 ans plus tard, elle a fait un voyage à Istanbul, et elle a observé que Istanbul était en train de passer la même période de modernisation. Elle a désiré connaître davantage, elle a désiré partager et donner la voix aux habitants du quartier Sulukule qui étaient en train de perdre leur quartier depuis mille ans.
Avec Giulia, on s’est rencontré à Montréal, loin d’Italie ou d’Istanbul. Pourtant, on partageait le même sentiment et le même questionnement: «la modernisation, mais pour qui? Et comment? Pour quelle société?»
Pourquoi tu préfères faire du documentaire?
Faire des documentaires est différent pour chaque personne. Pour moi, c’est découvrir le monde dans lequel on habite, aller vers les choses qu’on ne connaît pas, et vouloir les comprendre. C’est pour cela que je suis allée à Istanbul, et j’ai voulu comprendre. J’aime comprendre la nature humaine et la mettre en valeur. Dans le documentaire, il faut toujours être dans le présent et c’est très fort.
D’où est venue l’idée de ce documentaire?
C’était par hasard comme des idées non-linéaires. Je suis allée à Istanbul en vacances en 2008. Je ne sais pas comment décrire, mais j’ai senti quelque chose dans ce lieu qui m’a parlé. J’ai senti qu’il y avait quelque chose qui allait se passer. Cela faisait longtemps que j’habitais au Canada. Istanbul m’a rappelé beaucoup de choses culturelles d’Italie. Je me sentais beaucoup plus en connexion avec les gens d’Istanbul que des gens d’ici. Je ne suis pas turque, mais je suis Italienne. On est méditerranéenne. En même temps, il y avait plein de choses à Istanbul que je ne connaissais pas du tout. J’ai senti l’effervescence, très forte, comme une sorte de bombe créative. J’avais l’impression que quelque chose allait se mettre à bouillir, comme de l’eau. A ce moment-là, j’ai appris que c’était prévu que deux ans plus tard Istanbul allait devenir la capitale de la culture. Et de l’autre coté, j’ai appris en lisant dans un journal qu’il y avait des quartiers historiques qui étaient en train de se faire détruire, notamment Sulukule. Dans l’article, on parlait de l’histoire de ce quartier et ses habitants qui habitaient dans le quartier depuis plus de mille ans. Les gens de ce quartier se battaient pour garder leur maison dans un contexte de modernisation imposée, dans une vision de moderniser la ville pour le futur. Cela m’interpellait parce que cette vision me rappelait ce qui s’était arrivé en Italie, 20 ans auparavant. Les grandes centres d’achat étaient arrivées a l’extérieure de mon petit village, et progressivement les petites commerces étaient disparues. Elles sont devenues des boutiques de touristes. Tout d’un coup, j’ai réalisé que c’est la même histoire qui se passait à Istanbul. La modernisation, mais pour qui? Et comment? Pour quelle société? Finalement, Rome, Florence et Venise… Ces villes sont devenues comme des musées. Il n’y a plus d’âme dans ces villes-là. Il n’y a que du tourisme. Quand j’ai grandi en Italie, ces villes-là étaient vivantes. La vie de quartier n’existe plus. Quand j’ai réalisé que la même vision détruisait la vie d’un quartier à Istanbul, j’ai voulu le capter parce que c’est un moment charnier dans l’histoire d’une ville.
Cette vision de destruction des quartiers culturels ne convient pas vraiment à une «capitale de la culture»….
Dans ce cas, il faut demander comment «la capitale de la culture» pouvait convenir à cette vision de modernisation. Qu’est-ce qu’on met en avant si on est en train de nettoyer les quartiers où il y a de la culture?
Merci Giulia!
Duygu Özmekik / Bizim Anadolu / le 22 mars 2019